De quoi sera fait mon business demain ? Pour avoir une réponse à cette question, pas moins de 450 acteurs de la vente directe, venus des quatre coins du globe, ont assisté la semaine dernière au congrès mondial WFDSA 2017 qui s’est tenu à Paris. J’y ai représenté ITL, partenaire data de notre FVD nationale.
Les deux premières conférences ont apporté des pistes intéressantes sur la méthode à employer pour tenter d’y voir plus clair. Et pourtant l’un des intervenants disait à peu près le contraire de l’autre. Tout d’abord, Doug DEVOS, le patron d’Amway insistait sur le fait qu’on ne peut construire le futur sans s’appuyer sur le passé (There is no future without history). Tout en citant Woody Allen « I am interested in the future because it is the place where i will spend the rest of my life ». L’autre intervention, époustouflante, était de l’aéronaute et psychiatre Bertrand Piccard, résolument tournée vers le futur avec sa théorie du « lâcher du lest et du changement d’altitude ». Entendez par là se débarrasser des préjugés, des expériences passées acquises comme certitudes, donc de l’histoire, et ignorer ceux qui disent que « ça ne marchera pas puisque jamais personne ne l’a tenté ni réussi à ce jour ». Tout en évoquant pour sa part Léonard de Vinci qui aurait pu faire gagner 400 ans à l’humanité en matière de technologie aéronautique s’il avait été assez fou pour risquer sa peau en démontrant, à l’époque, que Dieu n’était pas le seul à pouvoir voler. Lui a affirmé qu’on pouvait faire le tour du monde dans un avion sans une goutte de carburant. Personne ne l’a cru mais Solar Impulse l’a fait.
Comme il était inconcevable pour moi d’opposer ces deux visions philosophiques, j’en ai déduit que l’histoire ne détenait qu’une partie des clés qui nous ouvrent les portes du futur. Celles dont on peut dire qu’elles étaient écrites. Comme il était écrit que le Professeur Tournesol, l’ami de Tintin, deviendra l’avatar du scientifique Auguste Piccard dont le petit-fils sera le premier homme à tourner autour du globe à la seule force du soleil. Les autres clés, elles, se trouvent dans nos rêves… ou nos cauchemars, comme le soulignait Pascal Lamy, (ancien DG de l’OMC) autre conférencier : « quand on arrête de rêver les cauchemars disparaissent aussi ».
J’ai donc cherché dans l’histoire de la vente directe et de ses diverses composantes (forces de vente internes, VDI, MLM) mais aussi dans ses rapports avec la VAD, ex VPC, des éléments pour imaginer le futur de ces pratiques. Pour arriver à une hypothèse, une vision, que je me propose de vous partager maintenant si vous m’avez lu jusque-là.
Alors rêve ou cauchemar ?
Jadis, communément appelée « porte à porte » ou « vente à domicile » la Vente Directe (VD) permettait aux compagnies d’assurance de diffuser leurs contrats dits « populaires », aux sociétés d’électroménager leurs aspirateurs, batteries de cuisine ou robots ménagers, aux éditeurs leurs encyclopédies, aux labos leurs produits de cosmétique, aux viticulteurs leur vin fou …etc.
Puis, dans les années 80, cela s’est mis à bouger. Avec le surenchérissement du coût salarial, mais aussi l’évolution des techniques de marketing direct et la possibilité de disposer de listes de prospects hyper ciblés (fichiers de comportement) issus de sociétés de VPC, nos vendeurs se transformèrent en une noria de mailings. Ceux-ci n’avaient plus besoin de coincer la porte avec leur pied, puisque qu’ils passaient bien plus aisément par la boite aux lettres. Le talent de géniaux copywriters qui savaient écrire ce que les gens avaient envie de lire (contrairement à moi qui écrit ce que j’ai envie de dire…) faisant le reste.
Si des opérateurs comme Amway (créé en 1959) ou Vorwerk (1883), inventeur du Thermomix, restèrent fidèles au contact physique, beaucoup de leurs confrères se mirent à la VPC. Dans des univers comme le vin ou l’équipement de la maison, la disparition des foires et grands salons comme celui des Arts Ménagers (en 1983) qui étaient les grands-messes de la communion clients-vendeurs, accéléra le mouvement.
Puis arriva Internet et avec lui l’e-commerce qui donna naissance au concept de vente à distance. Le SEVPC devint la FEVAD. Et, de quelques milliers de sociétés de VPC en France en 1990 (3200 selon mon estimation), le chiffre passa à des centaines de milliers (220 000 en 2017 selon la FEVAD). Dont toutefois moins de 500 font l’essentiel du business et une dizaine, comme Alibaba, Amazon ou Ventes Privées, font la pluie et le beau temps. Les autres ne représentent, individuellement aucune menace pour les acteurs historiques de la VAD (encore) en place. Mais globalement, mille micro-entreprises réalisant 4 commandes par jour sur un secteur où en évoluaient auparavant 10, cela représente pour ces dernières 400 commandes de moins chaque jour, 100 000 de moins par an. Plus qu’une menace. Concomitamment, les robots qui vinrent remplacer les lettres de nos copywriters et les jolis catalogues se mirent à parler aux robots… Le consommateur devint un cookie, une machine à acheter, le marketing devint automation, pour nombre d’agences les budgets pub s’évadèrent en Gafaland et pour l’état français, la taxation des profits en Irlande. Quelques irréductibles consommateurs, comme les hypers seniors, (lire Jean Veloppe du 24/07/2017) restent profondément attachés à leur catalogue, mais force est de constater que le mouvement de la digitalisation est en marche. Ce que me confirma la troisième conférence où nous apprenions que 840 articles du Washington Post avaient été intégralement rédigés par un robot, l’an passé. Le cauchemar prenait forme…
Pas pour longtemps, car cette troisième conférence m’a immédiatement laissé entrevoir un futur bien plus onirique. Le rêve reprenait le dessus. Plus qu’un rêve, des perspectives, chiffres à l’appui, d’un monde où l’homme va reprendre les choses en main. La vraie question que se pose le consommateur aujourd’hui est « why ? » : Pourquoi acheter ceci, pourquoi acheter cela ? Mais aussi « pourquoi ne pas devenir mon propre entrepreneur et ambassadeur des produits que j’aime ? ». Et là j’ai compris que l’avenir du commerce ne se fera pas sans la vente directe humaine. Un secteur où l’humain remplace le KPI (Philippe Jaquelinet, fondateur et PDG de Captain Tortue). Avec une croissance moyenne de 5.2% par an sur les trois dernières années, un CA de 182.6 Md de $ en 2016, 107 millions de vendeurs à travers le monde et des perspectives de 325 Md$ à l’horizon 2025, les petites réunions entre amies sont devenues plus qu’une mode mais un vrai mode de distribution omnicanal combinant toutes les facettes de la relation client : internet, mobilité, réseaux sociaux, points de vente physique, catalogue, téléphone… La prospection sur le terrain est optimisée grâce au géomarketing et au big data, aidée en cela par des outils qui ont déjà fait leur preuve dans la VAD, comme le scoring, par exemple.
Et soudain, m’est revenu à l’esprit un air de déjà entendu. Le commerce digital de demain ne se fera pas sans l’humain… était l’une des conclusions des Enjeux de l’e-commerce organisé par la FEVAD en juin dernier. Tiens tiens… J’ai bien l’impression qu’une boucle est bouclée. Quand, de surcroît un orateur lâche que l’on pourrait bien voir un jour des grandes marques décider de se passer des distributeurs classiques (hypermarchés, réseaux de magasins…) pour se rendre maître de la vente de leur produits de A à Z en combinant tous les canaux à l’instar de nos pionniers de la vente directe, je me suis dit que demain nous réserve encore de belles surprises.
Le congrès s’est conclu avec l’intervention de Jean Georges Vernet, Président de la FVD. Mais auparavant la WFDSA a nommé son nouveau président. Il s’agit de Magnus Brännström, patron d’Oriflame, société suédoise de cosmétique qui fête cette année ses 50 ans et affiche fièrement 9 millions de followers sur facebook. Un immense viking suédois, superbement bronzé, qui fut à ses débuts un brillant pilote de combat et ressemblant à … Schwarzy-Terminator.
Direct Selling‘ll be back !