Peut-on fraterniser avec un braconnier ? Telle est la question.
« Découvrez les déclarations percutantes du patron de l’Association Familiale Mulliez sur la crise et le monde d’après »
Il s’agit là du titre d’un article de LSA résumant la récente intervention de M. Barthélémy Guislain, Président de l’AFM, aux Cafés de l’Après. Café virtuel, ouvert pendant la crise par une alliance d’entrepreneurs du Nord, où se sont déjà succédé Roland CAYROL, Geoffroy ROUX DE BEZIEUX, Françoise NYSSEN… entre autres. Je ne regrette pas d’avoir pris 45 minutes pour écouter la vision du porte-parole de cette éminente famille de (grands) commerçants du Nord sur la leçon à tirer de cette crise et sur ses conséquences. Ses propos tenaient en effet plus du bon sens et de la logique que de lectures de l’avenir dans…le marc de café, comme on en entend en pagaille ces derniers jours. Mais, surtout, j’y ai noté la notion de fraternité entre entreprises que j’avais moi-même évoqué dans une de mes propres publications de l’ère covidienne. A ce propos, je rassure mes (nombreux) lecteurs, Jean Veloppe va bien.
Alors que la nébuleuse Mulliez (Auchan, Decathlon, Leroy Merlin, Boulanger, Norauto, et j’en passe, 800 000 salariés dans le monde) connaît des fortunes diverses en ces temps de crise pandémique, M. Guislain estime, je le cite, « que la crise agit comme un accélérateur de tendance, et va entraîner une accélération des collaborations à tous niveaux. » – Entendez : « au sein du groupe Mulliez » – qui doit « s’ouvrir aux petites entreprises locales pour apprendre d’elles […] c’est même presque vital comme comportement, pour les mettre à l’échelle, pour les accompagner dans nos succès à l’international. Je réaffirme la main tendue de notre écosystème. »
Mea culpa de la grande distribution, vœu pieux ou peur du grand méchant loup Amazon ?
Et de poursuivre en fustigeant l’inaction notoire des GAFA face à la crise et le comportement de braconnier (sic) d’Amazon dont il regrettait l’absence de « fraternité » face à l’épreuve. Il aurait, en effet, bien vu Amazon mettre sa logistique à disposition de la communauté des entreprises au lieu de contester une décision de justice sur ses dispositions sanitaires. Mais là, je crois qu’il rêve un peu. Imaginer que la pieuvre transporte sur ses propre tentacules le homard qui constitue sa pitance pour que ce dernier puisse manger en des lieux plus propices et oublier que la logistique génère aussi de précieuses datas qui sont justement ce dont Amazon se nourrit, relève d’une certaine naïveté à mon humble avis. Mais c’est peut-être ce qui serait arrivé si la justice avait laissé faire le géant américain comme bon lui semble en prenant le consommateur à témoin.
Par la plus grande des coïncidences, j’ai participé le jour où est paru cet article, à un webinar animé par un jeune et talentueux e-commerçant pour la CCI : « comment vendre sur Amazon ». S’il n’y avait qu’une photo de sa présentation à retenir c’est celle d’œufs à ne pas mettre dans le même panier.
Et vous dans tout ça ?
J’en arrive à la conclusion. Cette crise est (je parlerai au passé un peu plus tard) un formidable révélateur d’un mouvement irréversible pour le consommateur. Il veut plus de clarté et plus de sincérité. Il a appris que dans le commerce il peut aussi y avoir de la fraternité. Cette crise lui aura révélé qu’il peut, dans une grande mesure, se passer de la grande distribution et qu’il peut aussi se passer d’Amazon. Mais il faut pour cela que les PME reconstruisent l’indispensable tissu économique de la production locale et de la logistique individuelle dont La Poste fut, à une époque, le fleuron.
C’est pour nous le moment de réfléchir à la possibilité d’une alliance fraternelle entre PME. Une fratrie qui se partage les données dans le respect du RGPD, qui accepte de convoyer dans ses colis les flyers de confrères portés par de mêmes valeurs, comme le Made in France, par exemple, qui mutualise ses moyens en matière de R&D, de communication ou de logistique. Cela nous laisse le choix entre une vente directe raisonnable mais efficace et sécurisée car indépendante, la grande distribution et Amazon. Le mien est fait depuis un moment…