Les nuages sont arrivés, et avec les nuages, les orages. Il est vrai que nous sommes en juillet et les juillets font crouler à coup de triques les cieux ultramarins aux ardents entonnoirs (merci Arthur R.). Et avec les orages, la foudre. Et avec la foudre, les éclairs. Et avec les éclairs les coupures de courant intempestives, mais heureusement plus rares depuis que nos onduleurs veillent aux grains (d’électrons). Mais, sait-on jamais, je vais me dépêcher de vous écrire aujourd’hui avant que les cieux ne se déchaînent.
Question : n’avez-vous jamais entendu quelqu’un dire « il faut que je rajeunisse ma cible » ?
Je viens encore à l’instant de le lire sous la forme d’un titre de mémoire réalisé pour des éditeurs de presse. Sur l’excellent blog du CMC, de la plume de son Président Florent Argentier qui sait de quoi il blogue.
Cela fait environ 30 ans que j’entends « il faut que je rajeunisse ma cible » il faut « rajeunir mon fichier clients ».
Notamment auprès de véadistes qui opèrent sur le marché des seniors. Mais invariablement, dès que les enveloppes contenant leurs beaux mailings arrivent sur des adresses « plus jeunes » -entendez dont la moyenne d’âge est moins élevée- les résultats suivent la même tendance. Inexorablement. Certains persistent en changeant, en adaptant leurs offres. Par exemple en lançant des produits minceurs alors que leur marque est synonyme de phytothérapie prisée des seniors depuis la nuit des temps. Et plus personne ne s’y reconnait. Ni les jeunes, ni les vieux.
Paradoxalement, le marché des seniors ne cesse de croître en volume et tout le monde s’y intéresse
La France vieillit, mais autrement qu’il y a 30 ans. Ce marché, cette « cible », peut aujourd’hui se segmenter en cinq grandes familles suivant son degré d’implication dans la vie active conditionnée par celle de ses enfants mais aussi de ses propres parents :
- il y a ceux qui s’occupent encore de leurs enfants mais pas (encore) de leurs parents. Les jeunes seniors.
- Les jeunes retraités qui ne s’occupent plus de leurs enfants mais toujours pas de leurs parents, donc qui ont le temps et l’argent pour eux prioritairement.
- ceux qui ne s’occupent plus de leurs enfants mais désormais de leurs parents très âgés. Les « aidants »
- ceux qui ne s’occupent plus que de leur santé et de leur confort à domicile. Le 4eme âge indépendant ou hyper senior
- et enfin, on peut « isoler » – sans vouloir me prêter un vilain jeu de mots- ceux qui forment le 4eme âge dépendant, et qui pour des raison de santé ou d’impotence n’ont d’autre choix que de confier leur « survie » à un ehpad, médicalisé ou non.
ne cherchez pas À rajeunir, mais modernisez votre cible
Notez que dans cette segmentation il n’est nullement question d’âge.
On peut prendre sa retraite à 55 ou 70 ans, encore avoir des enfants scolarisés à 60 ans et ne plus avoir ses parents…ou l’inverse, et j’ai un ami qui faisait son footing tous les jours à 83 ans et à l’instant je viens de lire qu’une « mamie » de 79 ans a été flashée à 238 km/h au volant de sa Porsche.
Alors dans un tel contexte, que veut donc bien dire rajeunir sa cible ? Ne faut-il pas, à défaut d’aller à l’encontre du cycle de la vie, ouvrir grand les bras aux consommateurs toujours plus nombreux qui rentrent dans ce cycle ? Pour cela il faut s’adapter à leurs nouveaux comportements, détecter par exemple ceux qui sont passés sur internet pour certains de leurs achats, mais sans pour autant forcer ceux, notamment les plus âgés, qui n’y passeront jamais et qui tiennent plus que tout à leur catalogue et au lien fort de la correspondance écrite, noir sur blanc et sur papier ! Détecter ceux qui sont prêts à innover sans pour autant se couper de ceux qui restent attachés à leur mode de vie et à l’environnement qu’ils ont toujours connu et qui les rassure. Les quelques 5 millions de personnes qui regardent quotidiennement le JT de 13H sur TF1 le font devant leur télé, pas devant leur mobile ni leur tablette. Ces mêmes personnes relèvent leur boite aux lettre « physique » tous les jours et pour ceux qui en ont une (bien moins nombreux qu’on veut nous le faire croire chez les hyper seniors) , leur « bal », quand ils y pensent.
Alors plutôt que de chercher à la rajeunir, ne faut-il pas moderniser sa clientèle, comme l’aime à répéter André Delbecq, octogénaire « hors catégorie » longtemps conseiller personnel du Président de Damart ?
A ce propos, quand je vais aux sports d’hiver je porte toujours les excellents vêtements techniques de « Damart Sport » bien loin de l’univers Thermolactyl. Des produits que je peux acheter sur le net, dans les boutiques ou par catalogue, selon mon propre choix. Les seniors, jeunes ou moins jeunes qui font du trekking, du ski, du vélo ou de la randonnée se sentent bien mieux en Damart Sport qu’en Thermolactyl Damart. Mais ce qui importe c’est que ça rentre dans la même poche !
CQFD.